Festival IMPULS : Yves Navarre inspire un concert scénique à Julian Lembke

Yves Navarre inspire les jeunes artistes. Julian Lembke créera Héritage imprécis – Concert scénique pour soprano, comédien et orchestre d’après Yves Navarre les 15 et 16 novembre 2019 dans le cadre du festival de musique contemporaine IMPULS en Allemagne. Il nous explique pourquoi et comment il a continué à travailler sur cette œuvre, à l’origine cinq lieder créés pour le lancement du recueil de poèmes Chants de tout et de rien, Chants de rien du tout, en octobre 2017 à Paris.

Julian Lembke © Ph. Ferrer

Julian, les poèmes d’Yves Navarre t’ont inspiré Héritage imprécis pour soprano et piano. Pourquoi passer à une version orchestrale ?

Après mon travail sur les lieder inspirés des poèmes Chants de tout et de rien, Chants de rien du tout, en octobre 2017, j’avais l’impression de ne pas avoir tout dit. Ce projet avait plus de potentiel lyrique et théâtral, me semblait-il. J’ai donc proposé, dans un premier temps, une simple orchestration des cinq lieder au théâtre de Halberstadt en Allemagne, maison avec laquelle j’entretiens une relation de longue date. Son directeur a tout de suite évoqué une éventuelle collaboration avec le festival IMPULS qui réunit les plus grands orchestres de l’est de l’Allemagne. C’est le fondateur et directeur artistique du festival, le compositeur et chef d’orchestre hollandais Hans Rotman, qui m’a proposé de transformer mon projet en pièce de théâtre musical. Lui aussi voyait plus de choses à raconter…

Ce concert scénique puise aussi son inspiration dans deux romans d’Yves Navarre. Pour quelles raisons ?

J’ai imaginé une sorte d’intrigue autour des cinq morceaux qui existaient déjà car je me suis rendu compte qu’à chacun des poèmes que j’avais choisis en 2017 correspondait un passage dans Biographie et Romans, un roman qui mettait en contexte sa poésie hermétique. Yves Navarre joue de façon virtuose avec la zone grise entre écriture autobiographique et romanesque, créant ainsi un « je » qui a plusieurs passés et autant de présents. Le titre Héritage imprécis faisait déjà référence à cette biographie multiple.

La pièce propose donc une rencontre entre Navarre et ses différentes personnifications, ses souvenirs. Jusqu’à quel degré peut-il les séparer et à partir de quel moment faut-il prendre une décision, quand le besoin d’écrire et de s’exprimer prend le dessus ? Par le biais du chant, de texte parlé et d’un dialogue croisé entre le comédien et la soprano, la confrontation de plusieurs incarnations d’Yves Navarre engendre des situations théâtrales. La musique s’ingénie à doter les objets musicaux (gestes, motifs) de sens dramatique. Un être humain chante afin de provoquer ou afin de déclencher quelque chose. L’orchestre réagit à ces propos de façon affirmative ou rétive et envoie des signaux à son tour. Ainsi naissent des structures qui, au-delà d’elles-mêmes, représentent à la fois des constellations dans l’espace (la scène) et des états d’âme. Il n’y a plus de différence entre sujet et objet.

La création de l’œuvre aura lieu lors de l’édition 2019 du festival IMPULS. Un beau symbole pour Yves Navarre, qui était fin mélomane et amateur de festivals !

Oui, et ce d’autant plus que les organisateurs de ce festival de musique contemporaine sont très méritants ! L’événement existe en effet depuis 2008 et rencontre beaucoup de succès, mais il traverse actuellement une période difficile. On l’attaque de toute part, notamment les partis politiques allemands de droite et d’extrême-droite qui lui reprochent sa programmation « trop ouverte, trop gauchiste ». Ses initiateurs tiennent bon mais la bataille est rude. Je suis donc très fier de contribuer à cette nouvelle édition, avec Navarre ! Ma création sera jouée les 15 et 16 novembre dans le cadre d’un concert intitulé De l’ivresse et de la rage, qui proposera aussi Ma mère l’Oye de Maurice Ravel et The shining one de Guillaume Connesson.

Festival IMPULS
Héritage imprécis – Concert scénique pour soprano, comédien et orchestre d’après Yves Navarre
Orchestre du Nordharzer Städtebundtheater dirigé par Bar Avni
Johannes Riegler, narrateur
Marian Kindermann, comédien
Mikiko Motoike, pianiste
Julia Domke, soprano