Bruno Bisaro : La pièce d’Yves Navarre « Les Valises » s’est imposée à moi
- Tipota
- Sep, 06, 2021
- Événements, Interview
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Bruno Bisaro va mettre en scène Les Valises, pièce de théâtre d’Yves Navarre, avec les comédiens Hélène Arié et Jean-François Chatillon. Actuellement en quête de mécènes pour produire ce spectacle sur la scène du Studio Hébertot* à Paris, il nous explique pourquoi il veut rendre justice à « ce théâtre où l’on parle et où l’on ne se contente pas de dire ».
Pourquoi avoir choisi Les Valises parmi la quinzaine de pièces d’Yves Navarre publiées à ce jour ?
Je suis rentré dans l’œuvre d’Yves Navarre par ses poèmes et par ses romans. Je n’en suis jamais sorti ! J’ai découvert son théâtre plus récemment. Je redécouvre en ce moment avec plaisir certaines de ses pièces de théâtre, comme Lucienne de Carpentras, grâce au magnifique travail éditorial réalisé par H&O avec la publication des œuvres complètes. Yves Navarre fit bien plus que s’essayer au théâtre, comme on le lit parfois injustement. Il est pour moi, véritablement, un auteur dramatique majeur de la seconde moitié du XXe siècle. Yves Navarre a écrit Les Valises en 1970 alors qu’il achevait la rédaction de Lady Black, son premier roman publié (en 1971). Ce texte de théâtre s’est imposé à moi. L’un des dénouements possibles de cette pièce m’est apparu en rêve. Avec précision. Ce rendez-vous que nous donne Yves Navarre a la force et la puissance du rêve.
« Nous avons rendez-vous avec Yves Navarre, avec un enfant, avec cet enfant en nous… Nous avons rendez-vous avec nous-même. Avec notre propre récit. Dans la clarté d’un récit. Dans tout ce qui persiste. » (Bruno Bisaro, Notes pour une mise en scène des Valises)
Qu’est-ce qui caractérise selon toi le théâtre d’Yves Navarre ?
Yves Navarre, c’est avant tout une voix. Et dans ses pièces de théâtre, sa voix nous parvient précisément comme nous parvient précisément la voix de ses personnages. Certains rêves que nous faisons sont d’une grande clarté… Dans Les Valises, madame et monsieur Duperin ont rendez-vous avec leur fils Julien. Les voix, les objets que l’on sort des valises sont des voix et des objets familiers. Mon amie Geneviève Pastre disait dans l’un de ses derniers poèmes : « N’obscurcis pas le monde, ô poète ». Je dirais que le théâtre d’Yves Navarre est une sorte de refus de toute obscurité. C’est un théâtre écrit tout autant qu’il s’écrit. Yves Navarre écrit à voix haute. C’est un théâtre parlé et qui ne se contente pas de dire… Le théâtre d’Yves Navarre est la poursuite du récit romanesque porté à son point de rupture. Comme des bris de lumière du temps présent.
« Tout mon théâtre est un théâtre de communication. Comme dans la vie, ce qui est le plus important, c’est d’avoir osé se parler, non pas peut-être d’avoir réussi à le faire » (Yves Navarre)
Qu’apprends-tu de ta direction de comédiens avec Hélène Arié et Jean-François Chatillon ?
Certaines rencontres sont déterminantes. C’est le cas de ma rencontre avec Hélène Arié et Jean-François Chatillon comme avec toute l’équipe des Valises : ma collaboratrice artistique Maud Contrerès, le scénographe Maxime Decouard et le compositeur Matthieu Vonin. Concernant la direction d’acteurs à proprement parler, elle se nourrit de mes expériences passées et de ma formation théâtrale chez Blanche Salant, à l’atelier international de théâtre. J’analyse le texte par l’action même si, a priori, le texte d’Yves Navarre ne comporte pas d’actions dramatiques. Mais c’est un postulat littéraire et Yves Navarre se révèle ici pleinement auteur dramatique ! Imaginez que vous êtes installé à la terrasse d’un café ; voici qu’à la table voisine s’installent Mme et M. Duperin (ils ont les traits d’Hélène Arié et de Jean-François Chatillon). Vous surprenez quelques mots de leur conversation à propos de leur fils Julien. Intrigué, vous vous prenez à les écouter. Vous essayez de dissimuler votre indiscrétion. Très vite, vous remarquez certains détails physiques chez eux ; certains mots vous parviennent de leur conversation. Dans ce genre de situation, on est très attentif au moindre détail, au moindre mot et à tout ce qui commence à clocher. Il y a comme de la musique derrière tout ça. Il se peut que Mme et M. Duperin se sentent écoutés, observés et qu’ils décident malgré tout de poursuivre leur conversation. Comme au théâtre. Vous êtes pris au piège. Le théâtre d’Yves Navarre, c’est un peu ça. Et il se peut que la pièce Les Valises soit aussi un colis piégé.
Hélène Arié et Jean-François Chatillon
* Studio Hébertot, 78 bis Boulevard des Batignolles, 75017 Paris : Bérengère Dautun, directrice, Sylvia Roux, directrice artistique.
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